Article N° 8242

Botulisme

Botulisme: un traitement issu du sang de scientifiques sauve des nourrissons

Abderrahim Derraji - 14 décembre 2025 20:42
L’épidémie récente de botulisme infantile provoquée par le lait contaminé ByHeart aux États-Unis a touché au moins 39 bébés dans 18 États. Cette situation a mis en lumière l’importance d’un  traitement aussi rare que vital : BabyBIG, la seule immuno-globuline humaine capable de neutraliser la toxine botulique chez les nourrissons. Ce médicament unique au monde, administré par voie intraveineuse, est produit à partir d’anticorps fournis par des volontaires vaccinés contre le botulisme, pour la plupart des scientifiques exposés à ce germe au cours de leur carrière.

Le cas du petit Alessandro Barbera, hospitalisé en urgence en octobre, illustre parfaitement l’enjeu. Son père, Tony Barbera, ignorait tout de la maladie comme du traitement, mais attribue aujourd’hui la survie de son fils à BabyBIG. Avant l’existence de ce médicament, les bébés atteints de botulisme pouvaient rester hospitalisés deux à trois mois, et nombre d’entre eux ne survivaient pas. BabyBIG a donc profondément transformé le pronostic de cette maladie paralysante.

Le traitement trouve son origine dans les travaux du Dr Stephen Arnon, scientifique du département de la santé publique de Californie, qui a identifié le botulisme infantile en 1976 et y a consacré 45 ans de sa carrière. En 1997, un essai clinique déterminant confirma son efficacité : séjours hospitaliers nettement réduits, recours moindre à la ventilation mécanique et taux de guérison améliorés. Depuis son autorisation en 2003, plus de 3 700 enfants dans le monde ont pu en bénéficier.

BabyBIG est produit seulement tous les cinq ans, en petites séries, et coûte près de 70 000 dollars par traitement. Les revenus sont entièrement réinvestis dans le programme californien de prévention et de traitement du botulisme. La fabrication repose sur une trentaine de donneurs par lot, parmi lesquels figure Nancy Shine, biochimiste californienne aujourd’hui âgée de 76 ans. Vaccinée à l’origine pour des raisons professionnelles, elle a accepté de recevoir des rappels d’un vaccin expérimental afin de fournir un plasma riche en anticorps contre les toxines A et B. Pour elle, contribuer au programme BabyBIG a été «le moment le plus marquant» de sa carrière.

Le développement de ce traitement a été long et complexe : près de 15 ans et plus de 10 millions de dollars d’investissements ont été nécessaires, en raison de la rareté de la maladie, qui ne dépasse pas 200 cas annuels aux États-Unis. Aujourd’hui, BabyBIG est fabriqué par Takeda Pharmaceutical selon un modèle non lucratif, et les stocks actuels devraient suffire jusqu’à l’été prochain.

L’épidémie liée à ByHeart s’inscrit toutefois dans une tendance plus large et préoccupante, avec plus de 107 cas traités depuis août. Pour les donneurs comme Shine, chaque photo et chaque lettre envoyée par des familles reconnaissantes rappellent combien BabyBIG ne se contente pas de sauver des vies : il change des destins entiers.

Source : fr.euronews